RIEN DE NEUF SOUS LE SOLEIL ? Si, justement. Il faut, selon les Schizophonics, réactiver la bête. C’est en live que ça se passe, que ça s’est passé et se passera toujours. Sur les planches, Pat Beers se jette en tout sens, accroche une voix pleine de soul au micro, malmène spectaculairement sa Strat bricolée. Beaucoup voient en cet asticot vaudou un mélange entre James Brown et Iggy Pop, tandis que la musique évoque le joyeux foutoir qui fait bouger les hanches, celui de Bo Diddley joué façon Sonics, avec une bonne dose de MC5, explosion de psychédélisme et de rock’n’roll.
Croisés aux Nuits de l’Alligator à Paris, courant février, Pat et Lety Beers, respectivement chanteur guitariste et batteuse du trio, expliquent s’être rencontrés dans un lycée de Casa Grande, Arizona, avant de bouger à San Diego en 2008. Ils forment le groupe un an plus tard. « Pat Jouait de la guitare, moi je n’avais jamais touché à une batterie de ma vie. Je jouais de la gratte dans un groupe où l’on reprenait les Ramones. C’était le meilleur guitariste du bahut. On s’est perdus du vue, recroisés et on a déménagé à San Diego », explique Lety, avant que n’intervienne celui qui est, depuis, devenu son mari. « Toutes mes autres formations étaient des groupes de jam. The Schizophonics est le premier avec lequel j’ai plus de deux concerts au compteur ». Les Schizophonics ont donné des centaines de prestations aux Etats-Unis. Ils étaient venus en France au printemps dernier pour prêcher la bonne parole en compagnie des Lords Of Altamont. « Plus on voyage, plus on réalise que c’est un petit monde. On a beaucoup de potes à LA, New York, en Espagne et, aujourd’hui, en France ».
Main basse sur la guitare Comme les Rolling Stones, les Schizophonics ont mis un certain temps avant de composer. « Je ne savais pas comment m’y prendre, avoue Pat. Au début j’écrivais avec une guitare acoustique, ça sonnait comme du Bob Dylan. Tout a changé quand je me suis mis à l’électrique. La première année, j’improvisais les paroles sur scène, elles changeaient tous les soirs », se marre-t-il. Avant que les Schizophonics ne deviennent leur activité principale, Lety et Pat ont évolué au sein de groupes hommages, parfois éphémères mais plus vivants que ceux des biopics ou médiocres séries, avec des formations aussi excitantes que The Bowiephonics ou The Little Richards, aux côtés d’El Vez. L’Elvis mexicain et guitariste de The Zeros, au civil Robert Lopez, leur a d’ailleurs mis le pied à l’étrier. « On l’adore. C’est le premier à nous avoir emmenés en Europe, en 2013. On l’accompagnait. L’année dernière, nous étions son backing band pour le concert de Noël à la Casbah, un club de San Diego.
On avait aussi un projet autour de Kiss, nommé French Kiss, avec le maquillage, le béret, les rayures et le petit coup de rouge. Mais plus on potassait les chansons, plus on s’est rendus compte qu’il fallait réellement le faire à la Kiss ». Lety montre alors un photo sur son portable: elle y est grimée en Peter Criss. « Tous les ans pour Halloween, on s’approprie le répertoire d’un groupe. On a aussi fait des soirées à thème, la jungle, l’espace… A part ça, on a un gros groupe soul, de R&B, The Schizophonics Soul Revue, avec dix personnes, section de cuivres et chanteuses. Ca nous aide à progresser en tant que musiciens ». Lety joue également dans The Rosalyns, « un groupe fondé avec Anja, la femme de Mike Stax.
On y rend hommage au rock’n’roll des groupes féminins garage ». Pat intervient: « Notre prochain projet tourne autour de Screaming Lord Sutch, où Mike (Stax) chante. Mike est un leader cintré. Ca me permet de faire main basse sur la guitare, dans une configuration similaire à celle de Pete Townshend et Roger Daltrey ». Pas de ballade à signaler sur ‘Land Of The Living’, premier album des Schizophonics, mais de l’intensité, de la ferveur et du talent à revendre. Un disque court, fait pour que les voisins se plaignent, en mono et sorti sur Sympathy For The Record Industry: car oui, Long Gone John a relancé son mythique label avant de signer le trio. « Après sa longue pause, le premier disque qu’il a bouclé est celui des Little Richards. Je me revois adolescent acheter les albums Sympathy. C’est vraiment super d’avoir notre premier 33 tours sur son label ». L’enregistrement de ce premier album s’est fait à San Diego, au studio Earthling du batteur de The Loons, Mike Kamoo. Il est question de danser avec les Schizophonics, mais aussi, avec ‘Living In A’, ‘World Of Our Own’, de trouver une alternative à l’Amérique sans pitié de Trump. « Nous n’avons pas de sécurité sociale, souligne Lety, et je dois travailler à mi-temps pour avoir une certaine protection, Pat enseigne la musique à la School Of Rock. Moi je bosse dans un café, c’est comme ça que nous avons une assurance santé ». Et la santé, c’est important. A la leur.
Vincent HANON / Rock'n'Folk avril 2019